Il faisait nuit. Llewella avait longuement étudié le site où avait eu lieu le meurtre, poussée à la fois par son besoin de prouver sa valeur et par la demande expresse de la guilde des voleurs. Celle-ci était intéressée par la récompense promise à celui qui trouverait l'identité du meurtrier. Un peu d'argent gagné loyalement n'était jamais refusé, si ça permettait de remplir un peu plus les poches de la guilde. Le maître de nuit avait chargé la jeune femme de cette mission, et bien qu'il ne lui ait pas précisé qu'elle en ait l'exclusivité, Llewella était presque sûre qu'aucun autre voleur ne s'intéressait plus à cette affaire prometteuse. Depuis deux semaines, l'identité du meurtrier demeurait inconnue, personne n'ayant encore percé le mystère. Si un voleur ne réussissait pas à gagner la prime au bout de deux semaines, il abandonnait alors pour une offre plus alléchante. Car il est vrai que le temps passant, les preuves et les traces s'estompent.
Mais Llewella avait guetté trois jours durant. Quelques curieux passaient encore de temps à autre, mais rares étaient ceux qui s'acharnaient réellement sur le meurtre du forgeron.
Donc, il faisait nuit. Allongée sur le toit dans une position inconfortable, depuis deux heures environ, la jeune femme était maintenant certaine qu'elle était seule. Les derniers ivrognes étaient désormais soit trop saouls pour comprendre ce que faisait Llewella soit endormis contre les murs des auberges ou encore de retour auprès de leurs femmes mécontentes. Sans un bruit, la jeune femme profita de l'obscurité de la nuit pour se laisser glisser le long de la corniche. Sans un bruit, elle s'accroupit et approcha de l'endroit où le corps avait été trouvé.
Silencieuse et invisible, Llewella retraça dans le noir les faits. Selon les marques difficilement déchiffrables au sol, le forgeron avait marché jusqu'au mur en face de sa forge dans le but évident de placarder une annonce d'embauche. Selon le document retrouvé sur la victime, il désirait engager quelqu'un pour décrotter les pavés. La voleuse s'attarda un instant sur l'état déplorable de la rue et dut consentir au bon sens du forgeron. Les pavés étaient monstrueusement sales.
Les traces montraient ensuite un demi-tour et une course en direction de la forge. Sans doute quelque chose avait-il alerté le pauvre homme.
La dernière chose facilement décelable était un fin cercle noir, comme si quelque chose avait été brulé. Mais Llewella savait que rien n'avait brûlé à cet endroit. De par son expérience de voleuse, la jeune femme avait déjà eu affaire à la magie. Cette marque était soit le vestige d'un champ de force soit celle d'un sortilège inconnu de Llewella.
Songeuse, la voleuse se releva. Le cours des choses était clair jusqu'au moment où le forgeron était mort. Comment découvrir l'identité du meurtrier? Dans ce genre de quartier, les meurtres étaient courants, ainsi que les règlements de compte, et personne ne cherchait jamais à savoir pourquoi et qui était l'auteur du méfait. Une nouvelle question venait alors; pourquoi les autorités se préoccupaient-elles de la mort d'un modeste forgeron?
Llewella tourna son attention vers les sillons minuscules laissés dans la boue incrustée aux pavés. Le meurtrier se déplaçait avec une légèreté calculée, ne voulant bien sûr pas être suivi. Mais la voleuse connaissait le tour permettant de laisser un minimum d'indices. Le criminel avait marché jusqu'à une auberge. Elle s'arrêta devant celle-ci et se fondit dans l'osbcurité. Des bruits de pas la prévinrent de l'arrivée de quelqu'un. Dans l'auberge elle-même, les derniers rangements du gérant résonnaient faiblement.